En 2014, l’administration fiscale avait estimé que plus-values générées par les cessions de cryptomonnaies étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) ou des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) selon la fréquence des opérations. Concrètement, cela signifie que les gains étaient soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux ; le taux d’imposition pouvait donc dépasser 60% pour les contribuables les plus fortement imposés (Tranche Marginale d’Imposition à 45% + 17.2% de CSG).

En début d’année, le Conseil d’État a été saisi par des contribuables qui souhaitaient contester ce régime fiscal. Dans sa décision datée du 26 avril 2018, l’Institution a jugé que « les unités de bitcoin ont le caractère de biens meubles incorporels et que les profits tirés de leur cession relèvent en principe du régime des plus-values de cession de biens meubles ».

Il faut néanmoins nuancer cette décision puisque ce principe général est assorti d’exceptions. D’abord, ce régime fiscal ne vaut que pour les produits tirés de la vente occasionnelle de crypto-monnaies, les bénéfices issus de ventes récurrentes, eux, restant imposés dans la catégorie des BNC. A ce stade, la définition de l’activité habituelle est relativement floue. Selon l’instruction fiscale de 2014 reprise par le Conseil d’Etat, les critères permettant de qualifier l’activité de ponctuelle ou d’occasionnelle « résultent de l’examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations d’achat et de revente sont réalisées (les délais séparant les dates d’achat et de revente, le nombre de bitcoins vendus, les conditions de leur acquisition, etc.) »…

Le Conseil d’État a en outre précisé que « certaines circonstances propres à l’opération de cession » de crypto-monnaies « peuvent impliquer qu’ils relèvent de dispositions relatives à d’autres catégories de revenus » et donc que les gains ne pourront pas bénéficier du régime fiscal des biens meubles. Ainsi, les gains générés par les crypto-monnaies sont susceptibles d’être imposés à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux lorsqu’ils ne résultent pas « d’une opération de placement mais sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement » de la crypto-monnaie. En clair, un « mineur » de bitcoin reste imposé selon le régime fiscal actuel des BNC.

Désormais, les gains tirés de la vente occasionnelle seront donc taxés à un taux forfaitaire de 19%, auquel il faut ajouter 17.2% de prélèvements sociaux, ce qui porte le taux d’imposition total à 36.2%. Autre point du régime fiscal des biens meubles : le gain réalisé bénéficie d’un abattement de 5% par année de détention à compter de la troisième année. Un détenteur de crypto-monnaie devra donc attendre 22 ans pour que ses gains de cession soient totalement exonérés !! Néanmoins, les plus-values réalisées lors de cessions dont le montant est inférieur à 5 000 euros sont totalement exonérées.

En apparence, l’application du taux forfaitaire de 19% apparaît comme un cadeau fiscal, mais pas pour les contribuables non-imposables sur le revenu ou dont le TMI est de 14%. Par ailleurs, le régime des plus-values sur biens meubles présente au moins deux inconvénients : les moins-values ne sont pas imputables et la volatilité du prix des crypto-actifs créera inévitablement des situations où l’impôt du par un contribuable est supérieur au solde de sa position au jour du recouvrement. L’application de ce régime soulève également une question sans réponse aujourd’hui: comment déterminer le prix d’acquisition du bien, et donc la plus-value, dans le cas de la détention de plusieurs crypto-actifs identiques? Enfin, sur un plan pratique, il est à noter que chaque cession de crypto-actif doit être déclarée dans le mois qui suit, ce qui induit une contrainte administrative non-négligeable pour les investisseurs occasionnels amenés à réaliser plusieurs ventes par mois.