Dans sa publication « Focus » du 5 mars 2018, intitulée « L’émergence du bitcoin et autres crypto-actifs : enjeux, risques et perspectives », la banque de France donne des éléments sur le bitcoin et autres crypto-actifs : voir la publication ici.

Selon la BdF,

1) Les crypto‑actifs ne sont pas des monnaies

Les crypto‑actifs ne remplissent pas ou que très partiellement les trois fonctions dévolues à la monnaie, car

  • leur valeur fluctue très fortement, ce qui ne permet pas d’en faire des unités de compte
  • les crypto‑actifs sont bien moins efficaces que la monnaie qui a cours légal, dans la mesure où (i) la volatilité de leur cours rend de plus en plus difficile leur utilisation comme moyen de paiement ; (ii) ils induisent des frais de transactions qui sont démesurés pour de simples opérations de détail ; et (iii) ils n’offrent aucune garantie de remboursement en cas de fraude.

  • leur absence de valeur intrinsèque ne permet pas non plus d’en faire des réserves de valeur

Au plan juridique, les crypto‑actifs ne sont pas reconnus comme monnaie ayant cours légal, ni comme moyen de paiement.

Ils n’offrent aucune garantie de sécurité, de convertibilité et de valeur, contrairement à la monnaie ayant cours légal.

2) Les prix des crypto-actifs font l’objet d’une bulle spéculative

Les crypto‑actifs sont hautement spéculatifs et leurs cours peuvent à tout moment s’effondrer, et en support de cette affirmation, la BdF présente un graphique qui compare l’évolution du bitcoin à celui de l’évolution du cours de la tulipe entre 1634 et 1637 :

bitcoin et tulipe

L’encours des crypto‑actifs est encore limité au regard du stock de monnaie en circulation : 330 Mld€ contre plus de 7 500 milliards d’euros dans la zone euro et à près de 3 500 milliards de dollars aux Etats‑Unis (agrégat M1, qui correspond à la somme des billets et pièces en circulation et des dépôts à vue des agents non financiers).

3) Les usages des crypto-actifs se diversifient et exposent les investisseurs à des risques de perte financière accrus

La BdF considère ces actifs comme très risqués et inclut dans les crypto-actifs les ICOs et les tokens.

4) Les crypto‑actifs sont également vecteurs de risques de cyber‑attaques, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, tout en ayant un coût environnemental

Par leur caractère anonyme, les crypto‑actifs favorisent le financement du terrorisme et d’activités criminelles ainsi que le contournement des règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux.

La conservation des crypto‑actifs est sujette à des cyber‑risques importants, et n’offre aucune protection en matière de sécurité de ces avoirs.

L’usage des crypto‑actifs est également associé à un coût environnemental

Pour la validation d’une seule opération en bitcoin, la consommation d’électricité était estimée en décembre 2017 : à 215 kWh , l’équivalent de six mois de travail sur un ordinateur allumé jour et nuit.

5)  Quelle réglementation des crypto-actifs pour maîtriser les risques identifiés ?

Une réglementation des activités liées aux crypto-actifs est souhaitable pour quatre motifs principaux : la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme – qui apparaît hautement prioritaire –, la protection des investisseurs, la préservation de l’intégrité des marchés, y compris face au cyber risque, et enfin, en cas de poursuite de l’essor de ces activités, les préoccupations de stabilité financière.

La Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) préconisent un élargissement de l’encadrement des prestations de service associées aux crypto‑actifs de manière à couvrir deux champs

  • Réglementer les services offerts à l’interface entre la sphère réelle et les crypto-actifs

La Banque de France et l’ACPR préconisent un élargissement de l’encadrement réglementaire applicable aux prestations associées aux crypto-actifs, par la mise en place d’un statut de prestataires de services en crypto-actifs.

Un statut de prestataires de service en crypto-actifs permettrait, au-delà de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme qui constitue une priorité, de les soumettre à des règles portant notamment sur la sécurité des opérations et sur la protection de la clientèle. Ce statut pourrait également couvrir les services concernant les transactions entre crypto-actifs.

Ce statut serait applicable aux acteurs proposant (i) des services d’échange de crypto-actifs contre de la monnaie ayant cours légal et (ii) la conservation pour le compte de leurs clients des clés cryptographiques privées permettant de détenir, stocker ou transférer les crypto-actifs.

  • Encadrer les placements en crypto-actifs

L’encadrement réglementaire des prestataires de service en crypto-actifs pourrait être complété d’une limitation de la possibilité pour certaines entreprises régulées (banques, assurances, sociétés de gestion…) d’intervenir sur ces crypto-actifs. Il s’agirait d’abord d’interdire les activités de dépôts et prêts en crypto-actifs. En ce qui concerne les produits d’épargne, on doit se poser la question de l’interdiction de toute commercialisation dans des véhicules collectifs à destination du grand public, pour réserver ces véhicules aux investisseurs les plus avertis.

Pour sa part, l’AMF considère que l’offre de dérivés sur crypto-monnaies nécessite un agrément et ne doit pas faire l’objet de publicité par voie électronique.

Enfin, afin d’assurer une meilleure efficacité de la réglementation, il apparait souhaitable de développer une coordination européenne et internationale : Ainsi, il apparaît nécessaire aujourd’hui de porter le débat sur la régulation des crypto-actifs au niveau international. Le 7 février dernier, les ministres de l’Économie et des Finances et les banquiers centraux français et allemands ont saisi le G20 à cet effet.