L’AMF a publié le 26 octobre un document de consultation portant sur les Initial Coin Offerings ICOs . La consultation est ouverte du 26 octobre au 22 décembre 2017.
Le document publié comprend une présentation des ICOs, un avertissement sur les risques que présentent ces opérations, une analyse juridique des ICOs au regard des règles dont l’AMF assure le respect, ainsi que les options de régulation des ICOs envisagées par l’AMF.
L’AMF fait un panorama des pratiques sur ce nouveau marché, et sur l’engouement dont il est l’objet :
« Au niveau mondial, les ICOs rencontrent un succès croissant. En un an, les montants levés par les ICOs ont augmenté de manière pratiquement exponentielle. Au 4ème trimestre 2016, les montants levés étaient de l’ordre du million d’euros, au 1er semestre 2017 de l’ordre de dizaines de millions d’euros, au 3ème trimestre, plusieurs ICOs ont levé des centaines de millions d’euros »
L’AMF indique alors le développement des ICOs en France :
« En France, au moins quatre émissions de jetons ont été réalisées à la date de la présente consultation et plusieurs autres projets d’ICO à venir ont d’ores et déjà été portés à la connaissance de l’AMF.
Les montants levés via ces quatre ICOs totaliseraient en ordre de grandeur 80 millions d’euros. La capitalisation des marchés secondaires des jetons correspondants a atteint environ 350 millions d’euros à la date de la présente consultation. »
L’AMF dresse alors un panorama des réglementations mondiales sur le sujet :
- Chine et Corée du sud ont interdit récemment ce type d’opérations
- L’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), la Financial Conduct Authority (FCA) au Royaume-Uni et l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) en Suisse considèrent que certaines ICOs sont appelées à entrer dans le cadre légal existant relatif aux offres au public de titres financiers ou de la commercialisation d’instruments financiers.
- Aux Etats-Unis, la SEC a considéré, à propos d’un cas concret d’ICO , que les jetons émis dans le cadre de celle-ci constituaient des « actifs financiers » (« DAO tokens were securities »), tandis que d’autres ICOs échappent à la réglementation existante.
- En Allemagne, la BaFin a fait savoir qu’au regard du droit national (loi bancaire), les crypto-monnaies sont des instruments financiers, mais elle n’a cependant pas pris de position générale sur les ICOs à ce jour ;
- la Monetary Authority of Singapore (MAS) a indiqué qu’elle régule les ICOs au titre du droit existant dans le cas où les jetons sont des produits régulés, en appelant cependant qu’elle ne régule pas les crypto-monnaies ;
Ensuite l’AMF alerte sur les risques liés à ce type d’opérations :
- Absence de réglementation
- Risques associés à la documentation d’information
- Risques de perte en capital
- Risques de volatilité ou d’absence de marché
- Risque d’escroquerie ou de pratiques de blanchiment
- Risques associés aux projets financés
L’AMF fait ensuite une liste des réglementations qui pourraient être applicables :
- Ce ne sont pas à priori des titres financiers
- Ce ne sont pas des OPCVM
- Il n’est pas exclu que certains types d’ICOs puissent répondre à la qualification de FIA
- La qualification d’ « Autre placement collectif » ne devrait pas pouvoir être retenue
- Certaines ICOs pourraient relever du régime des intermédiaires en biens divers 1 dans le cas où elles prévoiraient que les acquéreurs de tokens n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsqu’elles offriraient aux acquéreurs une faculté de rachat de leurs tokens
- Certaines ICOs sont susceptibles de relever du régime des intermédiaires en biens divers 2 lorsqu’elles mettent en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect.
L’AMF s’intéresse ensuite aux évolutions possibles de la réglementation et propose différentes options :
- Option 1 : le statu quo réglementaire et la définition de bonnes pratiques :
L’absence de réglementation spécifique aux ICOs pourrait toutefois ne pas être exclusive de la définition par l’AMF de règles de bonnes pratiques susceptibles de s’appliquer sur une base volontaire à tout initiateur d’ICO en France. Seraient notamment rappelés les principes généraux des offres au public notamment au regard de la nécessité de présenter clairement à la fois les offres et les risques encourus par les investisseurs. Ces recommandations ne sauraient néanmoins avoir une force juridique contraignante, faute de réglementation.
La Place pourrait être associée à la définition de ces règles de bonnes pratiques afin de construire un label de qualité pour les ICOs présentant certaines caractéristiques.
Un travail pourrait être mené par l’AMF avec des représentants des initiateurs d’ICOs, des cabinets de conseil, des experts, etc., pour déterminer une catégorie d’ICOs présentant un certain nombre de garanties pour les investisseurs.
- Option 2 : la réglementation des ICOs dans le cadre juridique existant en matière de prospectus
La réglementation « prospectus » s’applique aux offres au public et tous les émetteurs doivent s’y soumettre même si les montants levés sont faibles et les risques maîtrisés. Il pourrait être considéré que les ICOs doivent être fortement encadrées, quelles que soient leur forme et leurs caractéristiques, comme dans le cas des offres classiques, rien ne semblant justifier a priori qu’une réglementation plus souple s’applique à ces offres au public très risquées.
Les ICOs seraient alors appréhendées par les textes existants en matière d’offres au public de titres financiers, élargis à cet effet. Ainsi, la réglementation en matière de prospectus serait aménagée pour appréhender les ICOs et les procédures d’instruction et d’octroi d’un visa par l’AMF leur seraient appliquées.
- Option 3 : l’adoption d’une réglementation nouvelle adaptée aux ICOs
- Option 3.A : un régime d’autorisation applicable à toutes les ICOs s’adressant au public en France
La variété des ICOs est telle qu’il semblerait plus judicieux de se tourner vers un régime d’autorisation préalable spécifique adapté aux caractéristiques de ces offres telles qu’elles peuvent être observées à la date de cette consultation.
Une réglementation protectrice des droits des investisseurs pourrait passer par un régime d’autorisation de commercialisation excluant en revanche tout « agrément » de l’initiateur de l’offre, puisqu’aucune profession organisée ne devrait naître dans ce contexte.
Ce régime d’autorisation pourrait être inspiré de règles relevant du régime des intermédiaires en biens divers qui ne régule pas une profession mais seulement l’offre de commercialisation elle-même et fait porter les garanties pour les investisseurs pour l’essentiel sur les produits offerts, et de règles relevant du régime « prospectus », qui pourront être complétées par des règles ad hoc.
L’offre de tokens aux investisseurs relèverait d’une nouvelle activité d’ « intermédiation en biens divers » et des garanties spécifiques pour la protection des investisseurs pourraient être prévues dans la loi et détaillées dans le règlement général de l’AMF. L’AMF procéderait à l’instruction de ces demandes et délivrerait un numéro d’enregistrement ou un visa attestant que les garanties demandées par la loi ont bien été apportées par les initiateurs de l’offre.Les ICOs qui n’auraient pas reçu le visa de l’AMF seraient interdites en France et susceptibles de faire l’objet de sanctions pour défaut de visa.
- Option 3.B : un régime d’autorisation optionnel
Cette réglementation spécifique pourrait être conçue classiquement comme interdisant toute offre non autorisée ou, au contraire, comme optionnelle : les initiateurs des ICO pourraient décider de demander l’autorisation de commercialisation à l’AMF qui délivrerait alors son « visa », ou, au contraire, de ne pas soumettre de dossier à l’AMF. Les offres non autorisées formellement ne seraient pas interdites mais devraient, si elles sont présentées en France, contenir obligatoirement une mise en garde indiquant clairement cette absence de visa de l’AMF.
L’adoption d’une telle législation permettrait à l’AMF de sanctionner les manquements aux règles prévues, soit en raison du non-respect des conditions du visa donné soit, si l’offre n’a pas reçu ce visa, dans l’hypothèse de l’absence de la mention obligatoire indiquant que l’offre n’a pas de visa de l’AMF.
La consultation repose alors sur une trentaine de questions sur lesquelles les parties concernées sont invitées à répondre avant le 22 décembre 2017.
La consultation est disponible sur le site internet de l’AMF : Consultation publique de l’AMF sur les Initial Coin Offerings (ICOs)
Au-delà de la présente consultation, l’AMF invite les acteurs et entreprises qui envisagent une opération d’ICO à se rapprocher de ses services en écrivant à l’adresse suivante fic@amf-france.org afin de présenter leurs projets et échanger sur le contenu de leur white paper.
Une démarche de l’AMF était nécessaire dans un contexte d’interventions plus ou moins vigoureuses d’autres organismes de régulation à travers le monde. Je trouve cette approche « consultative » plutôt bonne, en espérant que les acteurs concernés joueront le jeu dans leur propre intérêt et celui de l’industrie.
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