Trois sociétés majeures de gestion de droits d’auteur, dont la Sacem, ont décidé d’utiliser cette technologie de stockage et de transmission de l’information. Objectif : mieux identifier les oeuvres musicales.

Trois des plus importantes sociétés de gestion de droits d’auteur au monde initient ensemble un prototype de gestion partagée des informations relatives aux droits d’auteur via la blockchain. Il s’agit de l’Ascap (American Society for Composers Authors and Publishers), de la PRS for Music (Performing Right Society for Music) et de leur alter ego française, la Sacem (Société des auteurs-compositeurs et éditeurs de musiques). La blockchain permet de stocker et de transmettre en toute transparence des informations vérifiées par les participants sur Internet. Ces sociétés de gestion s’inspirent en cela des premières initiatives d’artistes indépendants, soutenus par des start-up, qui souhaitaient inventer une nouvelle forme de distribution de leur musique. « Nous avons une expérience de la transformation numérique, beaucoup d’intellectuels et de créateurs sont très sensibles à ces sujets d’innovations technologiques. Il était normal que la Sacem puisse contribuer à cette réflexion », explique Christophe Waignier, directeur Ressources et Stratégie de la Sacem. Pour revendiquer les droits d’auteur sur Internet, la Sacem, l’Ascap et PRS for Music doivent réussir à répertorier l’intégralité des enregistrements existants d’une oeuvre. Or, « nous avions un problème dans notre capacité à avoir une vision exhaustive de tous les liens entre une oeuvre et ses enregistrements », précise-t-il. La technologie de la blockchain permettrait d’optimiser l’identification des ayants droit, de réduire les risques d’erreurs, de limiter les coûts, et à terme, d’accélérer l’octroi de licences.

« Smart Contract »

Lors d’une première phase de test, de janvier à mars 2017, les trois sociétés d’auteurs ont mis en commun, sur une blockchain privée, 20.000 oeuvres et tous les liens existants pour chacune d’entre elles, soit 75.000 éléments. La technologie « Hyperledger Fabric », blockchain en open source de la Linux Foundation soutenue par IBM, a été choisie pour ce projet. « Nous travaillons avec des institutionnels qui nous permettent de garantir l’intégrité de nos données. Avec les technologies de cryptographie embarquées dans les blockchain, nous nous assurerons que l’information n’est pas falsifiée. Une fois qu’elle a été validée par tous, elle ne peut plus être changée. Son intégrité est donc préservée », détaille Christophe Waignier. En effet, tous les participants disposent des mêmes informations et doivent valider chaque transaction grâce à des « Smart Contracts ». Ces derniers servent ici à créer un coefficient de confiance et à évaluer le niveau de qualité des informations mises en commun.

Des questions en suspens

Après cette première phase jugée concluante, les trois acteurs expérimentent désormais la capacité de traitement d’un plus grand volume d’oeuvres : 10 millions sont en cours de partage afin de constituer une base de 30 millions de liens. Chaque société de gestion de droit d’auteur pourra revendiquer ses droits. Cette deuxième phase est aussi l’occasion d’améliorer les critères de validation des informations partagées.

A terme, les 170 sociétés d’auteurs mondiales et autres acteurs de cette industrie (Spotify, YouTube, etc.) pourraient utiliser ce registre virtuel. Pour Christophe Waignier, « l’idée est que tout le monde puisse à la fois contribuer à la création d’un référentiel complet et qu’il puisse être disséminé sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Nous réussirons ainsi à améliorer la transparence et l’efficacité de notre gestion des droits musicaux online ». Cependant, une fois rendue publique, l’utilisation de la blockchain posera d’importantes questions de gouvernance : comment s’organise la gestion des « Smart Contracts », qui est propriétaire des données, quels sont les devoirs et les droits de chaque contributeur, quelle est la différence entre un fondateur et un contributeur, etc. ? Tout un cadre juridique va devoir être pensé et construit.

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